Inculpé dans le cadre de la gestion controversée du Fonds Force Covid-19, Aliou Sow, ancien Directeur de l’Administration générale et de l’Équipement (Dage) du ministère du Développement communautaire, de l’Équité sociale et territoriale, est accusé de surfacturation dans l’achat de riz à hauteur de 2,7 milliards de francs CFA. L’ancien ministre Mansour Faye est également cité dans ce dossier, qui prend une tournure politique et judiciaire de plus en plus suivie.
Pourtant, des éléments contenus dans les documents transmis à la Cour des comptes par Aliou Sow viennent remettre en cause la légitimité même de ces accusations. Le journal Le Quotidien, dans son édition du mercredi 23 avril, revient en détail sur ce qu’il qualifie de « faille dans l’argumentaire de la surfacturation ».
Un arrêté obsolète comme base de calcul
Le cœur du litige réside dans l’utilisation, par les auditeurs de la Cour des comptes, d’un arrêté de 2013 fixant le prix de référence du riz brisé non parfumé à 250 000 francs CFA la tonne. Or, selon les documents évoqués par Le Quotidien, cet arrêté était devenu caduc depuis longtemps. En effet, il était encadré par une loi (n°94-63 du 22 août 1994) stipulant que toute mesure de plafonnement des prix ne pouvait excéder deux mois, renouvelables une fois. En clair, l’arrêté de 2013 n’avait plus de validité légale en 2020.
Ainsi, le prix pratiqué par le ministère — 275 000 francs CFA la tonne — ne constituerait pas une surfacturation mais une adaptation au contexte de crise mondiale, marqué par des tensions extrêmes sur les chaînes d’approvisionnement pendant la pandémie.
Un appel d’offres non obligatoire mais quand même lancé
Autre point en faveur d’Aliou Sow et de son ministre de tutelle : le recours à un appel d’offres pour l’acquisition du riz, alors qu’un décret du 18 mars 2020 autorisait les ministères à passer des commandes en urgence sans mise en concurrence. Le ministère aurait même sollicité l’avis de l’ARMP (aujourd’hui ARCOP) pour plus de transparence, renforçant ainsi la légalité de la procédure.
Des incohérences dans l’audit ?
Aliou Sow va plus loin en pointant une autre irrégularité dans le travail des auditeurs. Il remarque que l’observation concernant la surfacturation du sucre cristallisé, également couvert par l’arrêté de 2013, a mystérieusement disparu du rapport final. Pour lui, ce « traitement sélectif » révèle un biais ou une erreur manifeste dans l’analyse du prix du riz.
« On ne peut pas parler de surfacturation dès lors qu’un appel à concurrence a été lancé et que les prix retenus correspondaient à ceux du ministère du Commerce », affirme-t-il.
Une affaire qui reste à trancher
Malgré ces éléments à décharge, l’affaire suit son cours. Mansour Faye devrait prochainement être entendu par la Commission d’instruction de la Haute Cour de justice, seule compétente pour juger les anciens ministres. Ce volet judiciaire s’ajoute à un débat public de plus en plus animé sur la transparence dans la gestion des fonds d’urgence mobilisés durant la pandémie.
Si les accusations s’avèrent infondées, ce dossier pourrait bien se retourner contre ses instigateurs et poser la question de la rigueur et de l’impartialité des audits menés dans des contextes aussi sensibles.